La crise interroge la réforme de 2018. Vers un nouveau big bang ?
Percutée par une crise aussi inédite qu’imprévisible, la réforme de 2018 a été bousculée. Des fonds ont été débloqués pour soutenir l’effort de formation des entreprises de taille intermédiaire et des mesures ont été prises pour répondre aux enjeux des reconversions professionnelles. Ces ajustements vont-ils s’inscrire dans la loi ? C’est le dernier acte de la rétrospective 2020 du Quotidien de la formation.
L’année 2020 a livré ses premiers enseignements. La réforme de 2018 a révélé ses forces et ses faiblesses en temps de crise. Face à l’urgence, le nouvel écosystème a résisté et trouvé sa place auprès des différents acteurs. Les opérateurs de compétences ont accéléré leur transformation. Le compte personnel de formation (CPF) à la seule main des salariés développe des offres de service autour des abondements pour répondre à des enjeux plus collectifs.
Mais deux axes de la loi « Avenir professionnel » sont remis en question. Première source d’inquiétude : la crise a confirmé la fragilité financière d’un modèle de l’apprentissage libéralisé et basé sur le financement au contrat. Autres points faibles devenus plus aigus avec la crise : le financement de la formation dans les entreprises de taille intermédiaire et le sujet des reconversions professionnelles.
La trajectoire financière de l’apprentissage sous haute tension
« Tout contrat sera financé ». Ce postulat qui signe la réforme de l’apprentissage porte en germe les difficultés financières rencontrées aujourd’hui par France compétences. Plus l’apprentissage se développe, plus le déficit se creuse. L’instance de régulation a déjà eu recours à l’emprunt à deux reprises. Le déséquilibre financier est structurel. Un rapport de l’Igas publié début septembre le confirme. La crise aggrave la situation. France compétences doit, en effet, s’attendre à une réduction des cotisations des entreprises calculées sur leur masse salariale.
Aux yeux du gouvernement, pas question de mettre en péril le financement au contrat et la nouvelle dynamique de l’apprentissage. Le plan de relance flèche donc 750 millions d’euros pour soutenir l’alternance en 2021 et 2022. Malgré ces aides exceptionnelles, le problème reste entier. Le seul levier de régulation financière dont dispose France compétences repose sur la baisse des niveaux de prise en charge. Un travail de convergence a été engagé depuis septembre dernier sur la base de l’observation des coûts de revient des CFA. Mais il faudra attendre pour qu’il se concrétise. Le ministère du Travail a en effet décidé de maintenir les niveaux de prise en charge actuels en 2021.
La formation dans les entreprises de taille intermédiaire
La loi « Avenir professionnel » écarte les entreprises de taille intermédiaire de la mutualisation des fonds alloués au plan de développement des compétences. Un angle mort de la réforme déjà pointé par les acteurs de la formation, et devenu critique avec la crise. Le FNE-Formation, mis en place par le gouvernement dès le printemps puis renforcé par le plan de relance, est accessible aux entreprises de toute taille.
Autre faiblesse de la réforme devenue urgente à traiter, le déficit d’outils pour répondre aux enjeux de reconversions professionnelles. Les partenaires sociaux se sont battus pour maintenir un dispositif à la main des actifs, le CPF de transition. Plus collective, la Pro-A (reconversion ou promotion par l’alternance) s’est trouvée corsetée par des process administratifs complexes. Le plan de relance, là aussi, a colmaté les brèches en renforçant les fonds alloués au CPF de transition et la Pro-A. Il fallait aller plus loin encore. C’est ainsi qu’est né l’outil « Transitions collectives » doté de 500 millions d’euros. Le ministère du Travail ne s’en cache pas. Des concertations sont engagées et se poursuivront au premier trimestre 2021 sur les évolutions à apporter à la réforme de 2018, y compris, dans sa gouvernance.