L’identification et la valorisation des compétences : comment s’y prendre ?
Regards croisés entre JobReady, l’APEC, Passerelles & Compétences et Vivendi Create Joy au Club de Pro Bono Lab ! Comment identifier une compétence ? Comment la valoriser ? Un référentiel commun a-t-il un intérêt ? Retour sur l’événement de juin.
Les compétences, la matière première de toute expérience pro bono
Pourquoi ce sujet ? En tant qu’intermédiaire du pro bono, les compétences sont au cœur de notre métier. Notre association met en lien des associations ayant des besoins en compétences avec des citoyen.nes (salarié.es, étudiant.es, demandeur.euses d’emploi…) qui souhaitent partager leurs compétences. Nous croyons aussi que le pro bono est une pratique idéale pour préparer celles de demain. Pour renforcer l’employabilité grâce au pro bono, l’une des thématiques du Club en 2021, donnons des manières concrètes de valoriser ces expériences !
La volonté du Club du Pro Bono est de rassembler des profils divers pour confronter les points de vue et enrichir les visions et pratiques sur le partage de compétences. Diane Emdin, responsable de Vivendi Create Joy, Bérénice Mey, responsable du développement et des partenariats à Jobready, Jacqueline Rageot, consultante en développement professionnel à l’APEC et Marie-Paule Beaumal, bénévole à Passerelles & Compétences, se sont prêtées à l’exercice lors de cet événement.
Côté définition, la compétence peut être ce qu’une personne maitrise, mêlant connaissances théoriques (savoir), pratiques (savoir-faire) et savoir-être (soft-skills) ou la capacité reconnue et validée à agir en sachant mobiliser et combiner différentes ressources pour répondre à une situation donnée.
L’identification des compétences, de quoi parle-t-on ?
L’identification d’une compétence se base sur l’expérience. Plusieurs outils aident à traduire nos expériences en compétences, encore faut-il qu’ils soient connus de celleux qui partagent leurs compétences. Il existe par exemple les open badges (dispositif numérique confirmant l’acquisition de connaissances ou de compétences) qu’utilise Jobready. Ou la méthode SCORE : l’appliquer à ses réalisations signifie expliciter la Situation, le Contenu (en utilisant le « je »), les Outils, les Résultats (quantitatifs et qualitatifs) et l’Evaluation (ce que je retire de cette expérience en savoir-faire et connaissances développées, les sources de satisfaction et mes qualités m’ayant permis de réussir).
L’APEC propose aux cadres et jeunes diplômé.es d’études supérieures, entre autres, des entretiens individuels, des ateliers collectifs pour diagnostiquer leurs compétences clé, la prise en main d’outils tel SCORE ou la fusée des compétences, qui aide à hiérarchiser puis formaliser des types de compétences.
Jobready[1]s’est basé sur Elene4work, un référentiel européen. Partant du constat que les soft skills sont le second critère de recrutement dans l’évaluation des candidat.es à l’emploi, le programme travaille à développer l’employabilité des 16-30 ans. 50 compétences organisées en 11 familles constituent la cartographie des compétences soft skills mobilisées dans chacune des expériences de vie des jeunes. Communication verbale, écrite, coordination de groupe, gestion du temps, du stress, prise de décision sont des exemples.
Trois étapes pour les identifier : le renseignement d’un questionnaire pour s’auto-évaluer dans la maitrise d’un soft skill via une expérience ; l’envoi à une personne témoin et à un.e référent.e de cette expérience pour validation puis par l’obtention d’un open-badge à un niveau donné (expert, confirmé, débutant). 30% des expériences renseignées par les utilisateur.rices sont liées au bénévolat.
A Passerelles & Compétences, les compétences des 6000 bénévoles sont identifiées lors d’un entretien individuel faisant suite au renseignement d’une grille où sont indiquées les compétences métiers, soft-skills et autres talents, et la demande d’un CV.
Plusieurs modalités d’engagement existent dans le Groupe Vivendi via son programme de solidarité internationale Vivendi Create Joy. Cela se manifeste en France notamment par le p.marrainage de jeunes et l’accès à des missions pro bono via une plateforme d’engagement ouvertes aux seules associations partenaires. L’an dernier, la responsable du programme s’est lancé un défi ambitieux : cartographier les compétences internes via un questionnaire. Elle souhaitait analyser les tendances et identifier des personnes prêtes à partager leurs compétences, les métiers et les compétences des collaborateur.rices du Groupe recouvrant des secteurs créatifs larges aux profils divers et où des titres de postes similaires ne renferment pas forcément les mêmes compétences. Si ce projet n’a pas eu le résultat escompté, elle souhaite désormais compter avec l’appui des forces RH du Groupe pour faciliter le déclic de l’engagement !
La valorisation des compétences, une question de contextualisation et de confiance en soi
Derrière chaque expérience de vie, qu’elle soit rémunératrice ou non, se niche des missions concrètes dans lesquelles on a mis en œuvre ses compétences et appris de nouvelles. Or il arrive fréquemment que des personnes en recherche d’emploi accompagnées disent « n’avoir rien fait » en ayant été membre d’une association ou en ayant aidé des proches dans leurs tâches administratives. Iels ont tendance à considérer que ces expériences non payées, ou que les jobs étudiants, ne comptent pas. La valorisation est donc aussi une question de confiance en soi, du choix des mots associés, d’adapter son discours pour se raconter à un moment donné. Force est de constater que nous sommes loin d’être égaux pour le faire.
L’engagement par les compétences, un outil pour les demandeur·euses d’emploi ?
Avec son programme Passerelles pour l’emploi en partenariat avec Pôle Emploi Ile-de-France, Passerelles & Compétences entend valoriser les actions de bénévolat réalisées par tout type de profil de demandeur.euses d’emploi. Un plaidoyer de terrain défendant la plus-value du bénévolat de compétences. Des conférences ont eu lieu pour sensibiliser les agent.es à l’intérêt du bénévolat afin d’en faire des prescripteur.rices auprès des demandeur.euses d’emploi
La proposition 4 du Manifeste pour le développement du pro bono du Lab affirmait déjà cette prise de position. En 2020, 104 demandeur.euses d’emploi ont participé à nos formats d’engagement. Lauréate, notre antenne Méditerranée opère actuellement la 3ème vague du PIC 100% INCLUSION pour la Maison de l’Emploi à Marseille. Durant les trois années du dispositif, 170 personnes vont pouvoir bénéficier d’un parcours sur leurs temps dit « off » alliant des temps de détection, mobilisation et valorisation leurs compétences.
L’auto-évaluation, un passage obligé
N’en déplaise aux sceptiques, identifier et valoriser ses compétences passent nécessairement par de l’auto-évaluation. C’est une étape essentielle du processus de réflexivité, prise de recul et estime de soi. Si l’auto-évaluation n’équivaut pas à une certification, cette étape permet aux utlisateur.rices de Jobready de prendre confiance en elleux, de voir leur marge de progression entre les niveaux d’acquisition d’une compétence (débutant, confirmé, maitrise).
Valoriser passe aussi par la reconnaissance. Aujourd’hui, 33 grandes entreprises sont signataires du manifeste de Jobready « Les soft skills, nouvelle frontière de l’égalité des chances ». Il existe un fossé entre la prépondérance des soft-skills dans les recrutements dans un contexte de transformation du marché du travail et d’employabilité tout au long de la vie et la méconnaissance des soft skills par l’immense majorité des jeunes. Ceci explique peut-être en partie l’excellent taux de satisfaction chez les utilisateur.rices de Jobready : ces open-badges aident à objectiver une compétence. Former les managers à une meilleure prise en compte des soft skills reste crucial.
Porter un référentiel commun en open source ?
Le Manifeste pour le développement du pro bono proposait un référentiel commun des compétences requises et développées lors d’expériences pro bono. Après avoir posé la question aux participant.es, voici ce que j’ai particulièrement retenu. S’interroger sur la finalité d’un tel référentiel : pour les associations ? pour les citoyen.nes bénévoles ? pour les entreprises ? Un référentiel mêlant soft-skills et compétences métiers permettrait aux associations de savoir quelles compétences elles ont besoin et sont susceptibles de développer lors d’une mission. Pour les bénévoles d’identifier plus facilement les compétences qu’iels possèdent et aimeraient développer. Si les entreprises ont confiance dans les compétences de leurs équipes, les associations ne savent pas automatiquement quel type de compétences elles pourront développer avec une mission pro bono. Un tel référentiel serait donc fort utile pour les bénévoles/mécènes en compétences. Faire un état des lieux des référentiels de compétences existants, l’une des participantes ayant proposé un passeport de compétences nous accompagnant tout au long de la vie…passeport qui existe déjà mais qui visiblement reste méconnu ! D’autres préféreraient capitaliser sur les référentiels métiers existants et autres VAE pour se concentrer sur un référentiel exclusivement dédié aux soft skills. Se rallier derrière ce qui marche déjà en l’adaptant si besoin : un « JobReady pour les +30 ans » ? La nécessité de co-porter un tel outil par des acteurs experts dans chaque type de public avec la force publique en chef de file à l’instar du Ministère du Travail pour lui apporter de la valeur. Certains intermédiaires du pro bono indiquent d’ores et déjà les compétences « dures » sur leurs fiches missions : le moment serait-il venu de faire aussi la place belle aux soft skills ?
Dounia El Aflahi, Responsable du Club du Pro Bono chez Pro Bono Lab pour Admical, le mécenat