Formation : l’Afdas suspend les demandes de financement dans l’attente de nouveaux soutiens

Agent central de la formation dans le domaine culturel, l’AFDAS (Opérateur de compétences et fonds de formation des artistes-auteurs) ne traite plus de nouvelles demandes de financement tant que les pouvoirs publics ne lui assurent pas un soutien. Son directeur Thierry Teboul décrit l’impact de la crise sur son budget, et sur les activités de la formation en général.

En période d’activité dégradée, le personnel du secteur culturel est incité à se former. Comment avez-vous traité cet afflux ?

L’année a suivi une courbe inhabituelle : de mars à juin, les formations se sont tout simplement arrêtées, ne pouvant s’adapter instantanément au distanciel, et les demandes ont chuté. En juin, le secteur s’est plus ou moins remis au travail, et ce n’était donc plus le moment de se former.

Puis, en septembre, nous avons fait face à une très forte de demande de financements, puisque le temps était à nouveau disponible. En parallèle, les organismes de formation ont pu se réorganiser et trouver un mode de fonctionnement mixte, entre distanciel et présentiel.

En septembre, nous avons fait face à une très forte demande.

En revanche, nous n’étions pas préparés à traiter un tel flux de demandes, notamment parce que la baisse de cotisations qu’a entraîné l’absence d’activité des intermittents, ne nous le permettait plus. Il est à noter également que l’activité partielle ne permet pas non plus de cotiser et de cumuler des points sur son compte formation.

Certes, la baisse des demandes enregistrée au printemps nous a permis de traiter le surplus de septembre, mais notre équilibre budgétaire s’est vite rompu, nous contraignant depuis le 30 octobre à suspendre le traitement des nouvelles demandes jusqu’à ce que nous obtenions le soutien des pouvoirs publics. Par répercussion, les sessions de formation qui dépendent de ces financements ont été également suspendues par les organismes qui les assurent.

Quelle est l’échéance de cette décision et comment se chiffre ce déséquilibre ?

L’Afdas fonctionne normalement avec un budget annuel de 38 millions d’euros. Cette année, celui-ci est de 19 millions, soit pratiquement une baisse de moitié, alors que nous devons traiter plus de demandes que d’habitude. Les quatre mois de neutralisation du printemps nous ont permis de tenir jusqu’à maintenant, mais pas plus. En sept années de direction de l’Afdas, je n’avais vécu, avant celle-ci, qu’une seule année déficitaire. Hélas, nous ne pouvons dépenser que l’argent que nous avons, l’Afdas n’ayant aucune trésorerie dans laquelle puiser.

Au final, cette situation nous charge de responsabilités que nous n’étions pas disposés à porter. Beaucoup d’intermittents se retrouvent à la fois sans activité et sans la possibilité de se former pour profiter de ce temps libre.

Nous avions anticipé et donc alerté les pouvoirs publics il y a un mois et demi. D’après nos informations, un arbitrage est en cours entre les ministères du Travail, de la Culture et de l’Économie. Nous attendons une décision finale dans les jours qui viennent. Si nous obtenons la garantie d’un soutien, nous reprendrons instantanément le traitement des demandes de prise en charge.

Nous voulons faire comprendre aux pouvoirs publics qu’il ne s’agit pas seulement des droits d’une personne à se former, mais du fonctionnement de l’appareil culturel tout entier. Quelques 300 millions sont investis dans la formation depuis environ quarante ans, tout ce travail serait gâché si le secteur n’était pas sauvé. Les compétences pourraient venir à manque lors de la reprise si la situation s’aggrave.

Quelles sont les formations qui ont été les plus sollicitées ?

D’un côté, il a eu une forte demande de formations transverses : de l’anglais, de la bureautique, qui par ailleurs se prêtent assez bien au distanciel, puis de la sécurité, à pratiquer davantage en présentiel. De l’autre, nous avons noté une forte demande de formations à d’autres métiers, correspondant à des reconversions ou à des changements de projet professionnel.

Plus on s’installe dans la crise, plus certains acteurs de la culture anticipent un changement dans les logiques de création, de diffusion, de production. Nous en voyons certains renoncer à leur projet d’origine pour en trouver un autre tout en restant néanmoins dans le champ de la culture. Certains cherchent donc à passer d’une prestation technique à une prestation digitale, ou du son à la lumière, etc. Tous restent attachés à leur métier, mais cherchent une transition tout en restant dans le secteur.

Comment se passe l’adaptation au distanciel ?

Elle a ses limites bien sûr. Il y a une croyance selon laquelle dès qu’il y a du digital dans un champ professionnel donné, la formation correspondante peut facilement basculer dans le virtuel, mais ce n’est pas si simple. Il y a un geste professionnel à transmettre, même quand il s’agit par exemple de faire du film d’animation.

Malgré tout, les formations techniques se sont plus facilement adaptées que les formations artistiques qui, quoi que l’on fasse, ne se prêtent pas à la distance et nécessitent un relationnel fort. Par conséquent, ces formations-là perdent du public. Par ailleurs, les formations en distanciel permettent rarement de rattraper les pertes financières engendrées par les restrictions sur le présentiel.

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