Formation : « Le secteur culturel semble moins inquiet que prévu » (M. Bosseau, Formations d’Issoudun)

Acteur majeur de l’apprentissage et de la transmission des métiers de la musique, les Formations d’Issoudun ont repris une activité normale après quelques mois d’activité partielle et en ligne.
Taxe d’apprentissage, secteur en détresse : son directeur Michel Bosseau s’exprime sur les enjeux de son activité en temps de crise.

Comment les Formations d’Issoudun ont-elles traversé la période de confinement ?

Tous les stagiaires ont été renvoyés chez eux dans l’urgence, ce qui a été délicat pour certains qui n’avaient plus d’appartement permanent dans leur ville d’origine. On est passé à la formation à distance, au numérique, mais ce n’est pas faisable pour tout. Apprendre un métier de technicien par exemple nécessite de manipuler des machines, et bien sûr ça ne se fait pas virtuellement. 

Depuis le 2 juin, les cours ont repris en présentiel, et pratiquement tous les stagiaires sont revenus. L’application du protocole sanitaire a été intense, il a fallu instaurer des heures d’arrivée et de pause spécifiques, diviser des groupes, procéder à une désinfection quotidienne des salles et se procurer masques et gel hydro-alcoolique en quantité. 

L’année de formation a-t-elle pu être sauvée et quelles difficultés rencontrent désormais les stagiaires ?

Nous avons rempli nos objectifs, bien que ceux-ci aient du être un peu revus à la baisse. Le plus dur demeure la recherche de stage. Presque toutes les entreprises du secteur sont fermées jusqu’à nouvel ordre et n’ont donc aucun stage à proposer. Les étudiants sont assez anxieux, mais la moitié d’entre eux ont réussi à en trouver un, suite à la reprise des concerts en plein air, ainsi que de résidences et de créations de spectacles. Les gens travaillent, des projets sont à l’œuvre malgré tout.

Vous êtes en contact rapproché avec le secteur : comment réagit-il et qu’est-ce que cela implique pour les futurs apprentis ?

J’ai eu environ 80 structures au téléphone. Les petites ont très peur, les grosses sont en grande difficulté, mais j’ai trouvé tout le monde plus positif et moins inquiet que je ne l’étais moi-même il y a encore deux semaines. Tout le monde est pragmatique, s’adapte aux quelques déclarations des pouvoirs publics, les interprète et agit. 

L’insertion dans le marché du travail a toujours été difficile dans la culture. Néanmoins, 80 % des 20 chargés de production, 20 régisseurs de production et 15 techniciens de plateau que nous formons chaque année trouvent un emploi au bout d’un an environ. Je crains que ces chiffres ne se dégradent, mais, pour autant, les métiers du spectacle ne vont pas non plus totalement disparaître. 

Les apprentissages de nos formations suivent déjà les mutations du secteur. Les dernières étant le développement durable, ou la parité – que nous respections déjà puisque plus de 50 % de nos stagiaires sont des filles. Désormais, d’autres impératifs risquent d’apparaître en conséquence de la crise que nous traversons. La production phono, l’édition, le spectacle aussi, utilisent des outils numériques avec lesquels nous travaillons. Le contenu de nos formations s’oriente par ailleurs vers l’ingénierie de projet, à savoir l’étude d’une situation et la mise en œuvre d’une solution. 

Quant à l’injonction actuelle à la « créativité » pour les milieux artistiques, elle ne fait pas trop sens. Les artistes et les professionnels n’ont pas attendu aujourd’hui pour se remettre en question perpétuellement,  foncer vers les innovations et créer de nouvelles pratiques. Les métiers de la culture consistent à amener des œuvres et des artistes à un public, le fantasme du tout numérique n’y changera rien.

Une promotion risque-t-elle d’être sacrifiée ?

C’est dur à dire. Les effets directs de cette crise s’étaleront sans doute sur 2 ou 3 ans, mais il n’y aura pas un arrêt total sur une période donnée. Maintenant, nous ne voulons pas réduire le nombre de stagiaires. Les demandes sont toujours là, nous formons pour beaucoup des gens qui sont déjà dans des parcours professionnels, donc nous ne nourrissons pas le secteur avec des nouveaux venus qu’il faudra caser. Également, il y a toujours du mouvement : des professionnels quittent le secteur, la profusion des projets fait que les gens bougent et il y a donc toujours des opportunités ici ou là, à tel ou tel moment. Par ailleurs, on s’attend aussi à ce que certaines personnes travaillant dans le milieu remettent en question leur carrière, s’engagent dans de nouveaux projets et précipitent leur départ, en réponse à la crise.

De plus, nous répondons jusque là à un appel d’offres de la Région Centre qui finance un volume de stagiaires en fonction des besoins en formation dans les métiers de la musique et du spectacle et financièrement, nous devons former pour survivre. Or le monde ne va pas s’arrêter, il y a toujours besoin de sang neuf et la crise va faire appel à de nouvelles énergies.

En revanche, les choses seront peut-être plus dures l’année prochaine. Le nombre de candidatures déposées n’a pas baissé, mais les financements seront plus difficiles à obtenir. Nous procédons actuellement à la certification de nos nouveaux titres de formation, nécessaire pour qu’elles soient éligibles aux financements publics. La procédure se fait auprès de l’institution publique France Compétences, mais nous n’avons toujours pas de réponse. Sachant qu’à l’exception de quelques apprentis qui s’autofinancent, la plupart ont recours aux financements de Pôle Emploi ou d’autres organismes, ils ne pourront peut-être pas les réclamer pour l’année à venir.

Comment êtes-vous impacté par la réforme de la taxe d’apprentissage de 2018, appliquée en 2020 ?

Désormais, 87 % de cette taxe vont vers l’apprentissage via l’opérateur de compétences (OPCO) dont dépend l’entreprise, et les 13 % restant peuvent aller vers un organisme de formation du choix de l’entreprise. D’où la nécessité, dès mars et avril, de contacter les entreprises qui nous connaissent, nous estiment et ont souvent embauché nos apprenants sur les 30 ans d’existence des Formations d’Issoudun. L’objectif étant qu’elle nous versent cette partie de la taxe. Il est clair que, cette année, cette campagne s’est arrêtée net, avec pour conséquence une perte importante de fonds pourtant nécessaires à la conduite de nos actions.

Hormis cela, le secteur de la formation aux métiers du spectacle est désormais éclaté en de nombreuses branches, il n’y a plus un interlocuteur principal pour défendre nos problématiques. Nous nous constituons présentement avec d’autres acteurs comme le Studio des Variétés, l’INA, des écoles de musique ou le Cifap, en une Fédération des Organismes de Formation de la Culture (FOFC), pour mettre en commun nos besoins et les faire remonter aux institutions du Travail et de la Culture.

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