Tiers Lieux : quelles collaborations avec le monde de la culture ?

Le terme circule et interroge souvent : qu’est-ce qui définit un tiers lieux, et comment des projets culturels s’y intègrent-ils ? La secrétaire générale de l’association France Tiers Lieux, Marie-Laure Cuvelier, décrit différentes configurations dans lesquelles associations, compagnies et entreprises coopèrent et mettent leurs moyens en commun dans un espace.

Alors que le terme circule toujours davantage, comment définir un tiers lieu, et qu’est ce qui le caractérise structurellement ?

Pour faire simple, un tiers lieu est un lieu où s’agrègent des activités qui n’ont a priori rien à faire ensemble. Il n’est généralement pas encadré par une institution et il est géré uniquement par les structures qui le composent. Il n’y a pas de statut particulier pour y entrer, et tout fonctionne sur une mise en commun de moyens privés (dont les modalités et l’amplitude se définissent entre acteurs du lieu), fournis par chaque structure. Le principe est qu’il n’y a pas de règle jusqu’à ce que le fait qu’il n’y en ait pas pose problème.

L’appellation se retrouve aujourd’hui un peu partout. Le Conseil National des Tiers Lieux réunit une grande diversité d’acteurs et d’opérateurs. Aujourd’hui, la société immobilière Nexity s’en revendique – certains territoires assimilés à des ZAD aussi.

Chacun peut proposer des moyens, des activités, des compétences, et établir dans quelle mesure ceux-ci peuvent donner lieu à une coopération et une mise en commun. Dans certains lieux, des compagnies sont en résidence, et s’investissent à l’année.

Contractuellement, rien n’unit généralement les différentes entités qui constituent un tiers lieu. Il peut tout simplement s’agir d’une location à plusieurs d’un espace, ou d’une autogestion plus structurée. Dans ce cas, des référents thématiques peuvent être désignés et une concertation collective doit être mise en place, qui veillera à maintenir que chacun se retrouve toujours dans le projet d’origine.

Un équilibre est à trouver. Certains lieux très visibles peuvent prendre une dimension commerciale qui doit être sans cesse interrogée pour savoir si elle correspond toujours au projet d’origine. Il faut aussi que l’État ne considère pas que les tiers lieux comme un relai des équipements publics existants, en particulier dans le domaine de la culture.

Quels sont les exemples de tiers lieux qui ont intégré des structures culturelles ?

Il existe une différence de typologie entre les tiers lieux en espace urbain ou rural, et des modes de fonctionnement très différents, dont certains reposent sur des collaborations avec le public, le privé et les institutions. En zone métropolitaine, les tiers lieux ont souvent une coloration plus culturelle, alors que ceux implantés en zone rurale sont plus hybrides – et collaborent souvent avec les collectivités territoriales qui ont davantage de foncier vacant à proposer.

Par exemple, à Aixe-sur-Vienne (Haute-Vienne), le Temps de Vivre est un café-librairie qui va se définir en fonction de ce que les personnes y venant ont envie d’y faire – qu’il s’agisse d’une troupe de théâtre ou de gens issus du tertiaire. À Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône), le CIAM est un centre des arts du cirque qui collabore volontiers avec entreprises et institutions. À Compiègne (Oise), l’Hermitage rassemble start-ups, PME et collectivités, et propose de nombreuses activités et ateliers. Enfin, dans les Landes, Conténair a été lancé par une compagnie interdisciplinaire dans une zone artisanale, et propose un espace de coworking.

À Bordeaux (Gironde), il existe trois cas de figure qui disent bien la diversité des tiers lieux en métropole. La Fabrique Pola réunit plusieurs artistes qui avaient besoin d’un espace mutualisé et d’un poste transversal. Le lieu fonctionne grâce aux budgets respectifs de chaque structure, chacune n’utilisant pas forcément les espaces à 100 % – il propose aussi des espaces à louer et un restaurant. Le Cerisier est un théâtre qui a voulu diversifier ses activités par delà la simple diffusion de spectacles et se définit désormais comme un lieu intermédiaire de pratiques artistiques. Enfin, Darwin est une ancienne caserne réunissant entreprises et associations, avec un volet « business » plutôt rare dans les tiers lieux, qui a rencontré un succès public de grande ampleur – l’endroit est même devenu une attraction touristique.

Quelles sont les fonctions de France Tiers Lieux et y existe-t-il un référent en matière de questions culturelles ?

L’Association Nationale des Tiers Lieux aide à la structuration de la filière et à l’émergence des tiers lieux, dont 1 800 sont recensés sur le territoire français. Cela se fait notamment par le biais de formations. Nous assurons aussi le lien avec une dizaine de ministères. Dans le conseil d’administration de l’association se trouve Juliette Bompoint, directrice de Mains d’Œuvre à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), qui peut être une interlocutrice en matière de projets culturels dans des tiers lieux.

Par Thomas Corlin pour Culture Matin.