Droit d’auteur : ce que changent les dernières ordonnances
En décembre 2020 et mai 2021, deux ordonnances touchant au droit d’auteur ont été votées, l’une concernant les « Services de médias audiovisuels » et l’autre le droit d’auteur. Gilles Vercken, avocat spécialisé en droit d’auteur et présent au festival de la musique à l’image Sœurs Jumelles, précise l’impact de ces deux textes en matière de contrats avec les plateformes, et d’attribution d’aides.
Quel est l’objectif de la directive « Services de médias audiovisuels » qui a donné lieu à l’ordonnance votée le 21 décembre 2020, et en quoi consiste-t-elle ?
Elle vise avant tout à rééquilibrer une concurrence vécue comme déloyale entre des chaînes de télévision traditionnelles déjà soumises depuis longtemps à des règles bien établies, et les plateformes de services de médias audiovisuels, en prévoyant notamment des obligations d’investissement dans la production.
Elle prévoit aussi la nécessité de nouveaux accords professionnels sur la chronologie des médias.
De plus, l’auteur sera davantage présent, sous la supervision des organismes de gestion collective, dans tous les accords avec les services de médias. Les OGC doivent être présents dans les négociations, et l’auteur peut également exiger des informations de ces plateformes, et savoir exactement quand et où son œuvre a été exploitée.
L’ordonnance prévoit aussi une certaine souplesse sur la contribution au financement des chaînes télé, et une extension du renvoi aux différentes conventions pour fixer les obligations de diffusion et d’investissement.
L’ordonnance porte aussi sur les attributions d’aides. Le CNC pourra désormais refuser des aides pour des œuvres dont les contrats ne respectent pas le droit moral ou la rémunération – certaines dispositions sont encore en cours d’écriture.
Que changera l’ordonnance votée le 12 mai 2021 sur le droit d’auteur ?
Elle vise d’abord à affirmer la responsabilité des plateformes de partage de contenus, au regard du droit d’auteur et des droits voisins.
Elle renforce les obligations de transparence des comptes, de respect de la rémunération proportionnelle pour les compositeurs, et un recours aux accords professionnels conclus par les OGC.
Une autre disposition applique le principe de la rémunération proportionnelle pour les artistes interprètes, et prévoit un nouveau calcul de cette rémunération, qui ne se ferait plus uniquement sur les recettes, mais plus globalement sur la valeur économique des droits.
Aujourd’hui, comment agir si un auteur trouve sa musique sur une vidéo en ligne sans son autorisation ?
En cas d’accord avec la Sacem ou autre, il est possible de réclamer une rémunération de la part de la plateforme, puisque les OGC ont des accords avec la plupart d’entre elles. Cependant, le droit de synchronisation n’est pas géré directement par la Sacem, mais par les éditeurs de musique. Les cas varient selon que l’exploitation ait lieu en France ou à l’étranger.
De quelle dynamique découlent ces deux ordonnances et quels sont les prochains champs d’étude juridique en matière de musique ?
Elles sont le fruit de directives européennes. Un avocat a fait circuler une lettre critiquant ces ordonnances, intitulée « The small village is resisting » (« le petit village résiste »), au motif qu’elles seraient un excès de régulation de la France, mais elles sont en fait une interprétation de ces directives dans le droit français, et d’autres pays européens y procèderont. Il s’agit d’ailleurs, probablement, des derniers textes votés en matière de droit d’auteur avant longtemps.
Ces deux ordonnances renforcent les droits des auteurs et ceux des artistes interprètes. Reste à savoir comment elles vont être mises en place à travers les accords professionnels.
Des questions subsistent toutefois sur le fonctionnement des outils de recommandation des plateformes. Certains artistes y auraient plus de visibilité, et ces outils ont une grande force prescriptrice sur le public. Une plus grande transparence sur le fonctionnement des algorithmes qui les animent sera donc demandée. Par ailleurs, il s’agit aussi aujourd’hui d’affiner les outils de reconnaissance, de tracking, pour recenser aussi précisément que possible l’utilisation d’une musique dans des contenus vidéos.