La réforme de la formation professionnelle en mal de financements

Entre autre sujet inscrit dans son agenda social, Jean Castex a prévu un suivi – tous les six mois à compter d’octobre – de la réforme Pénicaud de la formation professionnelle et de l’apprentissage. C’est plus que nécessaire si l’on en juge par les conclusions d’un audit des Inspections générales des finances (IGF) et des affaires sociales (Igas) récemment rendu public. Inscrite dans la loi « Pour la liberté de choisir son avenir professionnel » de 2018 , la réforme a bouleversé l’organisation et le financement d’un secteur connu pour sa complexité dans une logique libérale assumée par l’ancienne ministre du Travail, Matignon et l’Elysée. Problème, et de taille, il manque plusieurs centaines de millions pour assurer son équilibre financier du fait… de ses effets positifs attendus !

Cet audit, réalisé entre novembre et mars, avait été imposé à Muriel Pénicaud par Gérald Darmanin, alors ministre de l’Action et des Comptes publics, inquiet déjà de la soutenabilité financière de la réforme . La lettre de mission pointait alors un trou de 2,5 milliards dès 2020. En cause principalement, le transfert des contrats d’apprentissage des régions aux nouveaux opérateurs de compétences Opco placés sous la supervision de France compétences, l’autorité nationale de financement et de régulation également créée par la loi. Ces difficultés de trésorerie ont été résorbées. C’est loin d’être le cas pour les années suivantes.

Effets positifs sur l’emploi et la croissance

Pour les rapporteurs, en effet, « le développement attendu de l’apprentissage et du recours au compte personnel de formation (CPF) devrait emporter à terme des effets socio-économiques positifs tant sur l’emploi que sur la croissance », sur la lancée des résultats enregistrés en 2019 : +16 % de contrats d’apprentissage ; ​un tiers de centres de formation des apprentis en plus ; 1,3 million de CPF créés de fin novembre, date de lancement en fanfare de l’application, à fin février…

Las, « l’équilibre financier du système n’est pas garanti à court et moyen termes ». Sur la période 2020-2023, ce serait ainsi 4,9 milliards qui manqueraient selon l’une des trois projections de la mission avec des conséquences possibles – la question n’est pas tranchée – sur le déficit et la dette de l’Etat. Réalisées avant le confinement, ces projections ont évidemment été dynamitées par la crise sanitaire. Il faudra donc refaire les calculs une fois l’activité revenue à la normale et surtout, prendre des mesures pour éviter la banqueroute.

Agir sur les dépenses

Pour que les dépenses de France compétences soient à la hauteur de ses recettes, la mission préconise surtout de revoir les frais de gestion des Opco, les critères de fixation de leur dotation pour l’alternance ou encore de diminuer de 3 % par an sur quatre ans le niveau moyen de prise en charge des contrats d’apprentissage (avec un plafond de 6.000 euros, soit une baisse d’un tiers, pour le supérieur). Si, d’aventure, une inflexion significative de la réforme était assumée, la mission va même jusqu’à imaginer un ticket modérateur sur l’utilisation du CPF ! Rien en revanche sur une hausse de la contribution des entreprises.

Au-delà des aspects financiers, l’IGF et l’Igas appellent France compétences à se renforcer dans les domaines financiers et informatiques. Vu les enjeux sociétaux de la réforme, la mission préconise aussi de revoir sa gouvernance dans le cadre d’un dispositif interministériel sous l’autorité de Matignon pour arrêter les objectifs pluriannuels.

Lire l’article d’Alain Ruello sur le site de LesEchos